CSDR Refit – Où en est-on depuis son entrée en vigueur début 2024 ?

30/04/2024

Trois ans après le lancement du processus de révision, la version amendée de CSDR , dite CSDR Refit en référence au programme du même nom de la Commission européenne , est entrée en vigueur le 16 janvier 2024, 20 jours après sa publication au Journal Officiel de l’Union européenne.

Pour autant, le contenu du texte ne permettra pas la mise en œuvre immédiate des évolutions adoptées ; des actes délégués (aussi appelés de niveau 2) devront venir compléter le dispositif. C’est l’objet des mandats donnés par CSDR Refit au régulateur européen. Sollicitée pour la fourniture d’avis techniques et de propositions de texte, l’ESMA a prévu 3 consultations sur 2024-2025.

CSDR Refit en quelques dates

CSDR

CSDR, à l’instar de MIF2 (pour les marchés) et EMIR (pour les chambres de compensation) donne un cadre européen à des infrastructures de marché, en l’occurrence les dépositaires centraux de titres (CSDs) ; il définit leurs obligations et celles de leurs participants.

Si différentes parties du texte d’origine ont été revues, celle qui a focalisé toutes les attentions porte, sans conteste, sur les disciplines de dénouement et leurs deux mesures phare : le rachat obligatoire (mandatory buy-in ou MBI) et les pénalités.

Le mandatory buy-in

La nouvelle mouture du MBI est clairement une avancée majeure puisque la version 2024 de l’obligation de rachat pourra ne cibler que certains types d’instruments financiers et / ou types de transactions parmi ceux éligibles au MBI, et surtout la Commission européenne ne pourra ouvrir les discussions sur l’intérêt de sa mise en œuvre que si le système des pénalités n'est pas assez efficace et si le niveau de suspens peut impacter la stabilité financière de Union européenne.

Pour permettre aux législateurs de définir les contours du MBI  CSDR Refit, la Commission européenne avait préalablement, via le règlement sur le Régime Pilote, reporté à novembre 2025 la mise en place du MBI initial, de sorte que ce-dernier ne devrait jamais voir le jour.

Les pénalités

Contrairement aux propositions sur le mandatory buy-in, celles portant sur le régime de pénalités soulèvent quelques inquiétudes. Rappelons que le principe de pénalisation de CSDR, en place depuis février 2022, vise à obliger les parties prenantes à respecter la date de règlement / livraison (dénouement) convenue entre elles. La pénalité est calculée au niveau de l’instruction et ce pour chaque jour où elle reste au moins partiellement en suspens1. La pénalité payée par un participant est reversée à sa contrepartie. Ainsi, dans une chaîne de dénouements, ne sont pénalisés que les vrais participants défaillants (principe dit « d’immunisation »).

La première des 3 consultations de l’ESMA a porté sur le régime des pénalités lui-même avec un certain nombre de propositions qui entraîneraient une refonte du mécanisme actuel (taux progressif, montant minimum, taux de pénalité dépendant du type de transaction, du montant du suspens, …). Les réponses ont été quasi unanimes rappelant que (i) le système doit rester simple, efficace, facile à comprendre et surtout ne pas devenir injuste, (ii) l’amélioration du niveau de dénouement en bonne date est un objectif à court terme auquel aucune évolution non mineure ne pourrait répondre (les changements pourraient nécessiter 2 à 3 ans pour être opérationnels), (iii) le modèle actuel est encore très récent, et surtout ne doit pas être vu comme le seul moyen pour améliorer la situation.

Les prochaines consultations, et en particulier celle qui abordera la proposition de CSDR Refit d’exempter les transactions qui ne seraient pas considérées comme du « trading », seront l’occasion de rappeler la nécessité de ne pas mettre à mal le principe « d’immunisation ». Il est évident que les chaînes de dénouements sont le plus souvent constituées de transactions de typologies diverses (vente et retour de titres prêtés, …). Appliquer les pénalités de façon sélective romprait les chaînes des pénalités associées et transformerait certains participants en primo-défaillants. Espérons que CSDR Refit maniera avec prudence cette exemption et la limitera aux seuls cas qui la justifient.

CSDR Refit évoque la possibilité d’un raccourcissement du cycle de règlement / livraison

Une présentation de CSDR Refit ne serait pas complète si le « T+1 » n’était pas mentionné. En effet, CSDR Refit fait apparaitre pour la première fois dans la réglementation européenne la possibilité d’une réduction à T+1 du cycle de règlement / livraison. Pour autant il ne s’agit que d’un tout premier pas. Le législateur a mandaté l’ESMA pour transmettre au plus tard le 17 janvier 2025 et tous les deux ans par la suite, un rapport détaillant l’opportunité, les coûts, les avantages et les modalités de mise en œuvre d’un tel raccourcissement.

Anticipant l’entrée en vigueur de CSDR Refit, le régulateur européen avait lancé à l’automne 2023 son Call for Evidence. Le 21 mars dernier, l’ESMA publiait son feedback statement résumant les plus de 80 réponses reçues. Le rapport final est, quant à lui, annoncé pour fin 2024 ; le temps entre autres d’analyser la bascule à T+1 opérée en mai 2024 par les US et le Canada.


1Dans la mesure où le dénouement se fait dans les livres d’un CSD soumis à CSDR et que l’instrument financier est admis à la négociation à l’exception de certaines actions de pays tiers