Short Selling et contrats d'échange sur risques de crédit
Le règlement européen sur les ventes à découvert (short selling) et contrats d'échange sur risques de crédit encadre les positions courtes sur actions et sur dettes souveraines.
Textes de référence
Règlement européen 2010/0251 (COD)
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:086:0001:01:FR:HTML
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:086:0001:01:EN:HTML
Entrée en vigueur
1er novembre 2012
Qu'est-ce que la réglementation Short selling et contrats d'échange sur risques de crédit ?
Ce règlement trouve son origine dans deux événements qui ont marqué le monde financier : la crise financière de 2008, puis ensuite les forts mouvements apparus sur les dettes. La crise financière qui a suivi la faillite de Lehman Brothers a conduit les régulateurs, un peu partout dans le monde, à prendre des mesures visant à retreindre la vente à découvert (ou short selling). Ces premières mesures d’urgence ont été prises à l’origine sans réelle coordination ni cohésion au niveau mondial.
Son objectif est de bâtir un cadre préventif (composé de mesures permanentes complétées de mesures temporaires pouvant être activées par les autorités compétentes en cas de situation exceptionnelle), raisonné (le projet ne remet pas en cause les bénéfices que peut procurer la vente à découvert dans des conditions normales de marché et exempte certaines activités) et harmonisé visant à encadrer la vente à découvert d’actions et de dettes souveraines ainsi que l’utilisation des CDS sur dette souveraines. Un tel cadre ne prend bien sûr tout son sens que s’il s’accompagne d’un renforcement des pouvoirs attribués aux autorités compétentes locales et à l’ESMA, ainsi que d’un accroissement de la transparence, nécessaire à l’exercice de leur fonction. Le texte précise ainsi le rôle des différentes autorités compétentes et insiste sur la nécessité d’une coopération entre elles.
S’adressant essentiellement à l’investisseur (personne morale ou personne physique), le texte traite de la vente à découvert selon deux axes :
- une obligation déclarative aux autorités (éventuellement accompagnée d’une version publique),
- l’obligation d’avoir pris toutes les mesures nécessaires afin de permettre le dénouement de la vente en bonne date. Concernant les CDS, il lui interdit de négocier « à nu », id est sans avoir une position longue à couvrir sur la dette elle-même.
Il faut noter que le texte impose également aux Chambres de Compensation (CCP) la mise en place de pénalités de retard ainsi qu’une procédure harmonisée de buy-in (déclenchée 4 jours de bourse après la date de dénouement théorique) en ligne avec ce qui semble prévu dans la proposition de règlement sur les dépositaires centraux. Ce n’est d’ailleurs pas le seul cas de connexion entre les propositions de textes de la CE : le marquage des ordres à découvert, un temps envisagé dans ce règlement, a été finalement abandonné au profit d’un marquage des transactions au travers du Transaction Reporting tel que prévu dans le futur règlement MIFIR. Pour autant, la déclaration étant faite par l’entité ayant exécuté l’ordre, cela revient in fine à un marquage des ordres puisque le bénéficiaire devra signaler la vente à découvert au moment de passer l’ordre, par contre, ne seront déclarés que les ordres qui auront été exécutés.
Les principaux éléments du règlement sur les ventes à découvert (VAD)
Champ d’application : afin de fournir un cadre de réglementation préventif à utiliser en cas de circonstances exceptionnelles, le règlement englobe tous les types d'instruments financiers tout en apportant une réponse proportionnée aux risques potentiels qui sont liés à la vente à découvert des différents instruments. Ce n’est donc que dans des circonstances exceptionnelles que les autorités compétentes et l'ESMA sera habilitée à prendre des mesures concernant tous les types d’instruments financiers, allant au-delà des mesures permanentes dont l’application se limite à certains types d’instruments présentant des risques clairement identifiés qui doivent être traités.
Transparence des positions courtes nettes : pour les actions des sociétés cotées en bourse dans l'UE, le règlement crée un modèle à deux niveaux pour la publication des positions courtes nettes importantes: i) à partir du seuil le plus bas, les positions doivent faire l'objet d'une notification privée aux autorités de régulation; ii) au-delà du seuil plus élevé, elles doivent être publiquement portées à la connaissance du marché. Un seuil de publication pertinent est un pourcentage égal à 0,5% du capital en actions émis de l'entreprise concernée, et chaque palier de 0,1% au-delà de ce se seuil.
En revanche, s'agissant de la dette souveraine, la notification privée des positions courtes nettes d'un montant important liées à des émetteurs dans l'UE serait systématiquement requise. Le régime proposé prévoit également la notification des positions importantes sur des contrats d'échange sur risque de crédit relatifs à des émetteurs souverains de l'UE.
Les personnes physiques ou morales qui détiennent des positions courtes nettes significatives devront conserver durant une période de cinq ans les enregistrements des positions brutes qui représentent une position courte nette significative.
Le texte stipule que l'heure à prendre en considération pour le calcul d'une position courte nette est minuit, à la fin de la journée de négociation où la personne physique ou morale détient la position concernée.
La notification des informations à l'autorité compétente pertinente doit assurer la confidentialité de celles-ci et comporter des mécanismes permettant d'authentifier la source de la notification.
Restrictions applicables aux ventes à découvert non couvertes d’actions : afin de prendre en compte les risques accrus qui sont liés aux ventes à découvert non couvertes, le règlement prévoit que toute personne effectuant une vente à découvert est tenue d'avoir, au moment de la vente, i) soit emprunté les instruments concernés, ii) soit conclu un accord d'emprunt portant sur ces instruments, iii) soit pris d'autres dispositions en vue de garantir qu'ils pourront être empruntés de sorte que le règlement puisse être effectué.
Néanmoins, ces restrictions ne s'appliquent pas à la vente à découvert de dette souveraine si la transaction sert à couvrir une position longue sur les titres de créance d'un émetteur. De plus, si la liquidité de la dette souveraine devient inférieure à un certain seuil, les restrictions applicables à la vente à découvert non couverte peuvent être temporairement levées par l'autorité compétente.
Situations exceptionnelles : en cas de situation exceptionnelle menaçant la stabilité financière ou la confiance des marchés dans un État membre ou dans l'Union, le règlement prévoit que les autorités compétentes devraient disposer temporairement de pouvoirs leur permettant d'exiger une plus grande transparence ou d'imposer des restrictions à la vente à découvert et à la conclusion de contrats d'échange sur risque de crédit ou de limiter les possibilités pour des personnes physiques ou morales de procéder à des transactions portant sur un produit dérivé.
Dans une telle situation, l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) jouerait un rôle de coordination essentiel afin d'assurer la cohérence entre les autorités compétentes et de garantir que celles-ci ne prennent des mesures qu'à condition qu'elles soient nécessaires et proportionnées. L'ESMA elle-même serait habilitée à prendre des mesures lorsque des répercussions transfrontières sont à craindre.
Enquêtes de l'ESMA : l'ESMA pourra, sur la demande d'une ou plusieurs autorités compétentes, du Parlement européen, du Conseil ou de la Commission, ou de sa propre initiative, mener une enquête sur une question ou pratique particulière se rapportant à la vente à découvert ou concernant le recours aux contrats d'échange sur risque de crédit, afin d'évaluer si ladite question ou pratique constitue une menace potentielle quelconque pour la stabilité financière ou la confiance des marchés dans l'Union.
Coopération avec les pays tiers : les autorités compétentes des États membres devront conclure, chaque fois que cela est possible, des arrangements de coopération avec les autorités compétentes de pays tiers prévoyant l'échange d'informations avec les autorités compétentes de pays tiers, le respect des obligations résultant du présent règlement dans les pays tiers et l'adoption de mesures similaires par les autorités compétentes des pays tiers.
Sanctions : les mesures, sanctions et amendes doivent être efficaces, proportionnées et dissuasives. Conformément au règlement (UE) n° 1095/2010, l'ESMA pourra adopter des lignes directrices pour veiller à ce qu'une approche cohérente soit adoptée concernant les mesures, les sanctions et les amendes que les États membres doivent instaurer. L'ESMA devra publier, et mettre à jour régulièrement, sur son site Internet une liste des mesures, sanctions et amendes administratives prises dans chaque État membre.
Principales étapes
- Le texte a été adopté par le Parlement Européen le 14 mars 2012 et publié au JOE le 24 mars 2012
- ESMA a publié sa proposition concernant les standards techniques (le 28 mars 2012) ainsi que son avis sur les mesures de niveau 2 (le 19 avril 2012).
- Le 5 juillet 2012, la Commission Européenne a adopté les actes délégués et les standards techniques proposés par l’ESMA. Les standards techniques ont été publiés au Journal Officiel le 18 septembre dernier.
- Le 17 septembre, l’ESMA a publié une consultation sur les exemptions liées à l’activité de market making, les réponses étaient attendues pour le 5 octobre au plus tard.
- En parallèle, les Chambres de Compensation (CCPs) ont modifié leur procédure de buy-in pour être en phase avec la nouvelle réglementation, allant souvent au-delà du périmètre de la réglementation sur la vente à découvert (actions et dettes souveraines).
- Publication par l’ESMA le 10 octobre 2012 d’une nouvelle version de son Q&A (« Q&A on the implementation of the regulation » ; première version datée du 13 septembre) et le 22 octobre 2012 de la liste des liens nationaux permettant la déclaration des positions net courtes (Links to national websites for the purpose of the notification of net short positions).
- 1er novembre 2012 : mise en œuvre de la nouvelle réglementation
- 9 novembre : publication de la liste des valeurs non concernées par la règlementation (celles dont la plate-forme de trading principale est en dehors de l’Union)
- Publication du tableau des seuils de notification pour les dettes souveraines
- 10 décembre: l’ESMA a été mandaté pour un avis technique concernant l’évaluation de ce règlement (la date limite a été fixée au 31 mai 2013)
- Janvier 2013 : publication du deuxième update du Q&A (remplace la version du 10 octobre 2012)
- 1er février 2013 : Publication par l’ESMA de ses guidelines relatives à l’exemption dans le cadre des activités de market making et de marché primaire
- 12 février 2013 : publication par l’ESMA d’un « call for evidence » en préparation de son avis technique concernant l’évaluation du règlement ; les réponses sont attendues pour le 15 mars.
- 3 juin 2013 : publication de l’avis technique de l’ESMA sur les impacts de la réglementation sur la vente à découvert (le document était attendu pour le 31 mai) ; l’ESMA considère que la réglementation avait eu quelques impacts positifs et a suggéré certaines améliorations : sur la méthode de calcul des positions short et, pour la dette souveraine la révision du seuil de notification, sur l’exemption liée au market making, …
- 19 juin 2013 : tableau donnant la position des autorités locales vis-à-vis des guidelines de l’ESMA sur les exemptions liées à l’activité de market making et de primary market (à noter que l’AMF a répondu ne vouloir s’y conformer qu’au moment où les guidelines seront appliquées dans toute l’Union).
- 12 septembre 2013 : affaire « UK contre le Conseil et le Parlement » présentée à la Cour Européenne de Justice. L’avocat général a considéré que l’article 28 de la SSR devait être annulé. L’article 28 confère à l’ESMA le pouvoir d’intervenir « sur les marchés financiers des États membres de l’Union en cas de menaces qui pèsent sur le bon fonctionnement et l’intégrité des marchés ou sur la stabilité de l’ensemble ou d’une partie du système financier à l’intérieur de l’Union ». Les conclusions de l’avocat général ne lient pas la cour de justice. Les délibérations devraient commencer.
- 23 septembre 2013 : selon une étude conduite par l’ESMA, les interdictions de ventes à découvert n’ont pas perturbé le fonctionnement du marché, contrairement à ce que les participants avaient indiqué.
- 13 décembre 2013 : la Commission Européenne publie son rapport suite à l’étude conduite par l’ESMA. La Commission n’a pas jugé bon de suivre l’ESMA sur quelques recommandations de modification, considérant (comme l’admet l’ESMA elle-même) que la période d’observation était trop courte pour porter un jugement sur l’impact de la réglementation, remettant à 2016 un tel exercice.
- Le seul point d’attention porte sur les settlement disciplines et en particulier la procédure de rachat imposée aux CCPs. L’ESMA et la Commission sont d’avis que cette partie devrait figurer dans un texte de portée transversale comme pour l’être la CSDR.
- L’évaluation du dispositif était fixée, dans le texte même, au 30 juin 2013 au plus tard. Dans son rapport publié le 13 décembre 2013, la Commission européenne a considéré qu’il était « trop tôt, compte tenu des données disponibles, pour tirer des conclusions solides sur le fonctionnement du règlement, qui justifieraient une révision de la législation à ce stade. » et proposé une évaluation ultérieure.
- Le règlement sur les CSDs a modifié ce règlement : l’article 15 du SSR qui impose aux CCPs la mise en œuvre d’un process de buy-in disparait, cette obligation étant centralisée dans la CSDR.
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