Quel est le rôle d'un asset servicer* comme SGSS dans la révolution des crypto-actifs ?
Nous arrivons à la fin de ce 2e magazine Token consacré aux actifs digitaux, et nous espérons que chacun a pu trouver les réponses aux questions posées initialement par Laurent Marochini dans son introduction : a-t-on atteint un véritable niveau de maturité dans notre industrie pour être capable de gérer de bout en bout les actifs digitaux comme une nouvelle classe d’actifs, au même titre que les actions, obligations, produits dérivés et fonds traditionnels ou alternatifs qui sont notre lot quotidien ?
Nous pouvons retenir des articles précédents les conclusions suivantes :
Tout d’abord, comme évoqué par Karima Lachgar et Maia Steffan dans leur article, la publication de nouvelles règlementations au niveau Européen est de nature à nous rassurer sur le cadre dans lequel doivent s’inscrire les initiatives des principaux acteurs de ce marché, et surtout de nature à susciter l’intérêt des investisseurs institutionnels ou privés, en toute connaissance du risque auquel ils s’exposent.
Il reste cependant nécessaire de bien classer l’actif digital selon la catégorie auquel il appartient, et Alain Rocher nous rappelle à quel point les différences sont ténues entre le périmètre couvert par MiCAR sur les crypto-actifs, et le régime pilote qui s’adresse principalement aux émetteurs de titres listés (lire l'article).
De même le fait de pouvoir identifier ou non l’émetteur d’un titre déposé dans une blockchain permettra de garantir un fonctionnement qui se rapproche du titre au nominatif administré, ce qui n’est pas le cas de titres directement exposés aux crypto-monnaies comme le Bitcoin. Cela met en valeur le rôle des intermédiaires dans ce nouvel écosystème, puisqu’un des objectifs de la technologie DLT est de pouvoir simplifier les mécanismes de passage d’ordre et de conservation des titres, en pouvant se passer d’un CSD (dépositaire central) garantissant l’intégrité des transactions et la tenue stricte du registre des échanges. Néanmoins, le rôle du conservateur reste important dans ce nouvel eldorado, car il permet de garantir aux émetteurs comme aux investisseurs, que l’investissement est tenu de façon rigoureuse, et que la flexibilité dans les mouvements « cash vs titres » présentée par David Durouchoux dans son article n’est pas incompatible avec la sécurité des échanges apportée par l’utilisation de smart contracts et d’acteurs parfaitement identifiés (comme le permet la réglementation PACTE en France, et l’équivalent au Luxembourg et en Suisse). C’est d’ailleurs le schéma proposé par EQUISAFE et son partenaire LemonWay, qui permet d’augmenter la liquidité d’actifs non-côtés émis par des SPV, en s’appuyant sur une plate-forme réglementée en toute conformité avec l’ACPR, grâce au DEEP (Dispositif Électronique d’Enregistrement Partagé).
Eron Angele nous permet également de comprendre que nous avons aujourd’hui l’opportunité de diversifier les portefeuilles afin de proposer des rendements séduisants face à un marché obligataire qui est plutôt atone (lire l'article). Ce qui est confirmé dans cet article par Thomas Campione et PWC, dont l’étude sur le marché Luxembourgeois confirme que les principaux acteurs sont passés du stade de l’interrogation, à celui de l’intérêt marqué par les crypto-actifs à court ou moyen terme. Et si nous poussons ce raisonnement jusqu’au bout, nous arrivons à la réflexion d’Yves Choueifaty, dans son article, qui repose la question du parallèle à faire entre la valeur d’un actif et sa correspondance dans le monde réel, donnant un caractère tangible à l’échange sur un marché qui serait ainsi devenu « efficace ». Cela permet de s’interroger, comme le propose Karima Lachgar sur les nouveaux actifs que sont les NFTs, qui ont comme caractéristique première d’être des « œuvres » uniques mais surtout dont la caractéristique d’être non-fongible les ont pour l’instant exclus de la règlementation MICAR.
Finalement, il reste quelques questions ouvertes, sur lesquelles il reste encore des interrogations :
La première concerne la consommation énergétique que représente cette nouvelle économie ; il semblerait comme l’indique EQUISAFE que le simple changement de protocole d’accord et de preuve, en passant du « Proof-of-Work » au « Proof-of-Stake » suffirait pour réduire la consommation d’une opération dans un rapport de 1 à 100, levant ainsi les doutes résiduels et de respecter rapidement les « UN Sustainable Development Goals » auxquels devra rapidement se conformer ces technologies naissantes.
Le deuxième point concerne la fiscalité de ces échanges, qui n’apparait pas encore explicitement dans les réglementations supra-nationales. C’est la raison pour laquelle l’OCDE propose une consultation1 dont nous espérons tous qu’elle permettra de régler les questions de transparence fiscale et leurs répercussions sur les marchés financiers.
Le troisième point reste lié à l’identification des acteurs et des transactions, dont nous pouvons espérer que l’expérimentation du Régime Pilote permettra de conclure, mais il faudra pour cela attendre encore 3 ans ; et nous aurons alors plus d’information sur l’implémentation de la monnaie digitale de la Banque Centrale Européenne, et la façon selon laquelle est pourra être utilisée dans les échanges d’actifs digitaux, en complément aux actifs qui s’appuient aujourd’hui sur les crypto-monnaies.
En tant que conservateur, dépositaire, agent de transfert ou Trustee, un acteur comme Société Générale Securities Services se doit de parfaitement maitriser ce cadre réglementaire et fiscal, mais aussi de proposer des solutions adaptées aux besoins des gérants d’actifs et des investisseurs. En collaboration avec SG Forge, et d’autres acteurs technologiques ayant favorablement répondu aux exigences de transparence et de sécurité de ce nouveau marché, nous sommes désormais prêts à accompagner tous les acteurs souhaitant se lancer dans l’aventure de la « crypto ». Et nous anticipons qu’après le marché américain, l’Europe a désormais toutes les conditions réunies pour permettre l’éclosion de nouveaux produits et services apportant efficacité et économies d’échelle, si elle se donne les moyens d’une certaine interopérabilité des solutions et d’un cadre favorable, testé par des acteurs reconnus pour leur capacité d’innovation et le professionnalisme de leurs équipes. En tout cas, nous sommes prêts et vous donnons rendez-vous dans 2 ans pour vous présenter les nombreuses initiatives prouvant que les auteurs de ce magazine avaient raison !
* Asset Servicer : prestataire de services titres
1Crypto-Asset Reporting Framework and Amendments to the Common Reporting Standard (OCDE – 22 March – 29 April 2022)
Yvan Mirochnikoff, Head of Digital Solutions - Societe Generale Securities Services