Le marché de la dette privée : le « Petit Prince » du Private Market

28/06/2024

Julien Aïdan et Amandine Bozier, experts produits au sein de Société Générale Securities Services, expliquent comment la dette privée est devenue le choix du « prince » sur le segment du private market et nous présentent les challenges introduits par le contexte réglementaire qui se renforce sur cette classe d'actif davantage plébiscitée par les investisseurs dans un contexte de taux réhaussés.

La dette privée de plus en plus plébiscitée par les investisseurs

L’industrie du Private Market doit faire face à un défi de taille. Au cours des deux dernières années, les taux d’intérêt ont grimpé plus vite qu’à n’importe quelle autre période depuis les années 80. En moyenne de mars 2022 à juillet 2023, le resserrement monétaire a représenté +525 points de hausse1. Même si la BCE a annoncé début juin une baisse de 25 points de base des taux directeurs, il n’est pas certain que les banques centrales poursuivront rapidement cette inversion des taux court et nul ne sait à quel niveau ces taux atterriront.

Dans un contexte géopolitique toujours incertain, où la tendance reste globalement inflationniste, la promesse de rendement pour les investisseurs naturels du marché non-coté (à savoir les professionnels) peine à être au rendez-vous… L’économie réelle s’est grippée en 2023, emportant avec elle les projets d’investissement dans le Private Equity, l’infrastructure ou l’immobilier. Nombreuses ont été les sociétés de gestion qui ont décalé leurs projets de lancement de fonds pour mieux les relancer en 2024. Au regard du contexte macro-économique, les investisseurs (les Limited Partners « LPs ») ont cherché des alternatives et se sont donc massivement tournés vers la dette privée.

Le prince du Private Market

Honni depuis la crise financière de 2007-2008, jugé peu attractif à l’aune de la liquidité accessible et des taux directeurs négatifs, les fonds de dette privée sont désormais un « game changer » pour le marché de l’asset management. Ils rivalisent notamment avec le sous-jacent action délivrant un rendement moyen d’environ 10%. A tel point que des levées de fonds sur la dette privée de l’ordre de 3500 Mds US$ d’ici à 20282 sont anticipées.

La dette privée est le choix du « prince » pour les LPs dans la mesure où, par construction, ce marché présente le double avantage d’apporter de la liquidité et de proposer une distribution plus récurrente pour les investisseurs.

En complément du contexte macro-économique, la dette privée bénéficie d’un autre facteur favorable : l’ouverture aux investisseurs individuels - elle-même renforcée par le phénomène de plateformisation- qui offre aux General Partners « GPs » un levier technologique pour faciliter les levées de fonds.

Une source inépuisable de projets à financer

Dans un contexte où l’accès au crédit devient complexe, les fonds de dette privée sont une alternative intéressante pour les acteurs en quête de financement. L’investissement en dette privée conjugue un double objectif : rendement et choix de l’univers d’investissement. Au vu du nombre de projets florissants, l’investisseur qui souhaite investir dans l’économie réelle peut s’orienter vers des thématiques diverses telles que le financement de projets de transition énergétique ou de projets résidentiels, la cession de créances (commerciales, immobilières, leasings automobiles, etc.).

Cependant, comme le souligne Maryam Noury Arab, experte titrisation chez Société Générale Securities Services (SGSS) : « Si le contexte inflationniste oriente naturellement l’attention sur le secteur de la dette privée, la titrisation n’a jamais cessé de remplir son rôle de soutien de l’économie réelle en proposant une source de financement pérenne à nos fleurons de l’industrie, en décongestionnant le secteur bancaire et en accompagnant de nombreuses entreprises pour leur financement de bas de bilan avec des véhicules structurés sur mesure ».

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Le développement de la dette privée s’est accompagné de nouveaux défis pour les acteurs du non-coté

Alors que les investissements en dette privée se faisaient historiquement par le biais de véhicules génériques tels que des Fonds Professionnels Spécialisés (FPS) ou des Sociétés de Libre Partenariat (SLP), des véhicules spécialisés de type Organismes de Financement Spécialisés (OFS) ont émergés sur le marché. Ils présentent de nombreux avantages dont :

  • à l’actif, un univers d’investissement élargi,

  • au passif, un univers d’investisseurs élargi avec le passeport européen ; et pour le gérant la possibilité de proposer l’émission de titres de créances en plus des parts et des actions.

Par ailleurs, le marché de la titrisation a profité de la dernière décennie pour se transformer profondément. Dans un souci de transparence et de maîtrise des risques le régulateur a adopté dès 2019 le label STS3 et a renforcé les obligations sur les véhicules de titrisation avec la loi Pacte en 2020, confirmées par l’AMF en avril 2021. Le dépositaire doit désormais procéder à une tenue de positions et un contrôle de l’existence des créances ligne à ligne. Cet alignement au régime AIFMD représente un défi de taille pour les acteurs du non-coté au regard de la forte volumétrie des créances observée sur ces véhicules, principalement les Fonds Commun de Titrisation (FCT). La titrisation d’aujourd’hui se veut à la fois plus transparente, plus efficiente et plus sécurisée pour les investisseurs.

Comme le disait Antoine de Saint-Exupéry, « Pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible » : avec la volonté d’accompagner ses clients sur le segment du Private Market, et tout particulièrement sur la dette privée, SGSS ne cesse de renforcer son dispositif pour répondre aux attentes du marché et ainsi être en mesure de gérer des fonds avec une forte volumétrie.

La dette privée bien positionnée pour perdurer

Sur l’ensemble des marchés du Private Market, les niveaux de Dry Powder (la poudre sèche), qui représente l’ensemble des montants engagés mais non encore appelés par les sociétés de gestion, n’ont jamais été aussi hauts : 2023 restera une année record avec plus de 3900 Mds US$4.

Les GPs sont actuellement à la tête d’un trésor de guerre non investi qu’ils devront bien, à un moment ou à un autre, réinvestir. Si les taux d’intérêt diminuent et si les banques centrales réussissent un atterrissage en douceur de l’économie, avec une inflation qui se stabilise conjuguée à l’absence de tout autre choc macro-économique, alors la situation sur le segment du Private Market devrait se normaliser. Ainsi, on devrait observer un retour progressif vers les investissements de Private Equity avec un niveau d’investissement en dette privée qui devrait rester en très bonne position.

Résolument tourné vers l’avenir, le secteur de la dette privée continuera à s’adapter aux besoins de l’économie réelle qui se dessinent déjà tels que les solutions de financements de FinTechs ou l’accompagnement des acteurs sur les thématiques ESG.

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Julien Aïdan et Amandine Bozier, Ingénieurs Produit sur fonds de Private Markets, Société Générale Securities Services

 

Bain & Company : +525 points de hausse (cumulée) observée en moyenne sur les zones US, EUR et UK
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