2025 : le chemin pourrait être mouvementé !
Ces dernières années, l’inflation a été au cœur des préoccupations des responsables politiques et des marchés financiers. Cependant, l’attention devrait maintenant se tourner vers la croissance, ou plutôt vers l’absence de croissance aux États-Unis (USA). Après avoir commis en 2021 une erreur (en attendant trop longtemps pour durcir sa politique), je crains que la Réserve fédérale américaine (Fed) ait commis l’erreur inverse en 2024 en attendant trop longtemps pour l’assouplir.
La politique budgétaire avantage l’économie américaine depuis la pandémie
Certes, l’économie américaine a surperformé l’économie européenne au cours des dernières décennies, mais cela s’explique en grande partie par la croissance de la population, la croissance annualisée du PIB1 réel par habitant entre 2000 et 2023 étant quasiment la même dans l’UE2 (1,22 %) qu’aux États-Unis (1,21 %), sur la base des conversions en dollars américains3 au taux de change PPA (parité de pouvoir d’achat).Néanmoins, depuis le début de la pandémie, les États-Unis ont surperformé l’UE, avec une croissance annualisée de 1,33 % contre 0,87 % depuis 2019 (bien que la Chine ait fait beaucoup mieux avec 5,15 %). Je pense qu’en grande partie, la surperformance des États-Unis est due au soutien budgétaire du gouvernement américain pendant et depuis la pandémie. Par exemple, le ratio dette brute/PIB des États-Unis est passé de 108 % en 2019 à 121 % en 2023, tandis qu’en Allemagne, il est passé de 68,5 % à 65,4 %4
Mais le consommateur américain s’essouffle et la fed n’aide pas
Les transferts budgétaires aux États-Unis ont permis à l’excès d’épargne des ménages d’augmenter bien au-delà de ce qui était observé ailleurs dans le monde. Non seulement les ménages américains ont dépensé ces excédents d’épargne, mais ils ont également réduit le taux d’épargne à des niveaux proches de leurs plus bas historiques, tandis qu’en Allemagne, le taux d’épargne est proche des normes historiques. Je pense que cela explique pourquoi les dépenses des consommateurs aux États-Unis ont atteint un tel niveau, avant de s’interrompre au premier semestre 2024 : compte tenu de la faible croissance des revenus réels et de l’épuisement de l’épargne, les ménages américains ont été dans l’incapacité d’augmenter leurs dépenses.
C’est pour cette raison que je pense que la Fed a peut-être déjà commis une erreur dans la politique qu’elle mène : l’inflation sous-jacente étant en passe d’atteindre son taux cible, attendre si longtemps pour entamer un assouplissement monétaire augmente, selon moi, le risque de récession. Par conséquent, le début de l’année 2025 pourrait être marqué par la crainte d’une récession aux États-Unis.
Bien sûr, un changement de président des États-Unis est possible, et un second mandat de Donald Trump entraînerait des réductions d’impôts et un nouvel accroissement du déficit budgétaire. Même si ces largesses budgétaires stimulent l’économie, il est peu probable qu’elles soient mises en œuvre au premier semestre 2025, et pourraient donc arriver trop tard pour éviter la récession. Pire encore, il est possible que les marchés réagissent négativement à la perspective de voir le déficit budgétaire se creuser, comme cela a été le cas au Royaume-Uni avec la débâcle budgétaire de Truss/Kwarteng, mais aussi dans la zone euro, où l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement français d’extrême droite a paru possible.
Un chemin mouvementé pour les actifs cycliques et le dollar americain
Quelles pourraient être les conséquences d’une économie américaine faible pour les marchés financiers ? Premièrement, une récession aux États-Unis pèserait inévitablement sur l’économie mondiale.
Le problème se propagerait dans le monde entier. Deuxièmement, les récessions sont généralement mauvaises pour les actifs cycliques, ce qui implique que les actifs comme les actions, le haut rendement et les matières premières industrielles seraient à la peine. En particulier, les bénéfices ont tendance à suivre la trajectoire baissière des économies. Les taux de défaut pourraient donc augmenter à un moment où les spreads des titres à haut rendement sont très faibles (ils augmentent généralement lorsque les économies s’affaiblissent). Troisièmement, je m’attends à ce que les banques centrales (et en particulier la Fed) réduisent leurs taux de manière brutale, ce qui entraîne généralement une pentification à la hausse des courbes de taux, une surperformance des emprunts d’État par rapport aux actions et une préférence pour la duration.
Le dollar américain risque également de s’affaiblir, ce qui pourrait aider les actifs des marchés émergents non liés aux matières premières. De plus, dans la mesure où l’économie chinoise peut tracer son propre sillon, elle pourrait soudainement ressembler à un havre de paix. Cela pourrait aider les actions chinoises, qui sont selon moi attractives (à certains moments cette année, mes calculs suggèrent que leur ratio cours/bénéfices ajusté du cycle est tombé au même niveau que celui atteint aux États-Unis en mars 2009, lorsque nous pensions que le monde se dirigeait vers un effondrement financier et une dépression).
Si le dollar s’affaiblit, je pense que le yen japonais est un bon candidat pour devenir la devise principale la plus forte. Le yen est tombé à un niveau extrêmement bas en termes de taux de change effectif réel, car la banque centrale a maintenu une politique très accommodante, tandis que presque toutes les autres banques centrales ont durci leur politique de manière brutale. La BOJ5 est actuellement en train de durcir (progressivement) sa politique, alors que les autres banques centrales ont enclenché une phase d’assouplissement. Je pense donc que la faiblesse du yen pourrait s’inverser.
L’intelligence artificielle pourrait-elle venir à la rescousse ?
Bien sûr, je peux me tromper et l’économie mondiale pourrait s’accélérer en 2025, au profit des actifs cycliques. L’intelligence artificielle (IA) constitue un refuge évident pour celles et ceux qui cherchent des raisons d’être optimistes. Je pense qu’elle peut stimuler la productivité et la croissance économique à moyen et long terme, mais je doute que ses avantages soient suffisamment ressentis pour avoir un impact sur les résultats économiques au cours des 12 prochains mois. Si l’IA stimule la croissance tendancielle, elle pourrait également relever les taux d’intérêt réels, et nous avons tous encore en mémoire la forte hausse des taux réels en 2022.
1Produit intérieur brut.
2Union européenne.
3Source : calculs internes basés sur les données du Fonds monétaire international.
4Source : Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
5Banque du Japon (Banque centrale du Japon).
Paul Jackson, Global Head of Asset Allocation Research, Invesco