Réglementation CSD - Interview avec Sylvie Bonduelle
Découvrez les dernières mises à jour concernant la réglementation CSD avec notre experte Sylvie Bonduelle, Chargée de Relations de Place, Stratégie et infrastructures de marché.
La Commission européenne a publié le 1er juillet dernier un rapport ouvrant la voie à une révision du règlement CSDR1 sur les dépositaires centraux. En deux mots, pouvez-vous nous dire sur quoi porte cette révision ?
Il y a deux révisions qui sont en cours sur CSDR en ce moment.
Il y a la révision classique, qui est inhérente à tous les textes de la Commission européenne, et qui consiste à faire un bilan au bout de quelques temps de fonctionnement, savoir si les objectifs fixés ont été atteints ou pas, et éventuellement procéder à des révisions et donc ce qui donnerait lieu à une nouvelle version du texte.
Et on a une révision beaucoup plus contextuelle, qui est liée au programme de la Commission européenne sur 2021 et qui vise à relancer l'économie dans l'Union post-pandémie. Et là, on va plutôt être sur des questions d'équilibre entre les obligations et les impacts, quitte à revoir à la baisse bien évidemment certaines des exigences. Mais dans tous les cas de figure, les révisions portent sur des parties du texte qui sont déjà entrées en vigueur. Et c'est pour ça qu'au niveau des associations, on a été extrêmement soulagés de voir que les disciplines de dénouement, qui ne rentreront en vigueur qu'en février 2022, faisaient partie des sujets analysés par la Commission européenne. Probablement, c'est le résultat des nombreuses actions menées par ces associations dans lesquelles SGSS est fortement représentée. Pour autant, le rapport publié par la Commission européenne le 1er juillet dernier n'est que la première étape.
Maintenant ce que l'on attend, c'est la publication, la proposition de texte par la Commission européenne probablement aux alentours de la fin de l'année, et c'est là où on verra si l'essai a été transformé.
Justement, que pourrait-on attendre d’une révision des disciplines de dénouement et en particulier du rachat obligatoire qu’on appelle le buy-in ?
En fait, le buy-in tel qu'il est prévu aujourd'hui est obligatoire, s'applique à tous les types de transactions, et en plus doit respecter un calendrier très strict. Autant dire que les pistes d'amélioration, elles, ne manquent pas. Maintenant au niveau de l'industrie, notre préférence irait vers un buy-in qui deviendrait discrétionnaire, au lieu d'être obligatoire. Bien évidemment, sauf dans le cas des transactions où l'acheteur est une CCP2. Là, le côté obligatoire resterait. L'intérêt de cette solution, c'est que ça permettrait de résoudre en même temps tous les autres défauts du modèle actuel.
La question maintenant est de savoir si on peut espérer que la Commission européenne nous entendra. Le fait qu'elle ait mis les disciplines de dénouement à l'ordre du jour de son programme de révision est un signe extrêmement positif et qu'on n'imaginait même pas il n'y a pas si longtemps que ça. Probablement la Commission européenne a compris que le buy-in dans sa forme actuelle aurait des conséquences désastreuses et disproportionnées3. Donc je pense qu'on peut être raisonnablement optimiste et prévoir, espérer, une nouvelle version du régime beaucoup plus favorable à terme.
Pensez-vous qu’on aura le temps de modifier CSDR avant le 1er février 2022, quand commenceront à s’appliquer les pénalités et les rachats obligatoires ?
Il est très probable que le contenu soit modifié et très probable aussi que cette modification n'intervienne pas pour le 1er février 2022. En fait, aujourd'hui on n'a aucune certitude, ni sur le “quand” ni sur le “quoi”. Ce qui reste, ce qui pour l'instant donc fait foi, c'est la date du 1er février 2022 et le modèle actuel de buy-in. Et sur ces éléments tangibles que l'industrie continue à se préparer, autant qu'elle peut le faire.
Je veux juste citer pour mémoire les 30 à 40 questions qui sont toujours en attente de réponse de la part de la Commission européenne une bonne partie étant structurante pour une mise en conformité correcte. En fait si rien n'est fait, on va aboutir à une situation quasiment ubuesque où on aura un régime qui va démarrer en février prochain pour être mieux remplacée quelques mois après par une version améliorée, où on aura dépensé de l'énergie et du temps à se mettre en œuvre. Et au-delà des litiges, et au-delà de l'IT4, citons l'impact sur les contrats, le fameux "repapering", qui va nécessiter plusieurs mois pour être réalisé, et l'idée de le faire pour le refaire, c'est à minima frustrant. D’autant plus que la Commission européenne elle-même a reconnu qu'il fallait éviter des coûts et des charges disproportionnés dans la mise en œuvre des disciplines de dénouement.
C'est pourquoi, les associations professionnelles ont une nouvelle fois écrit à la Commission européenne et à l'ESMA5 le 14 juillet dernier. Dans ce courrier, elles exhortent la Commission - le mot peut paraître fort, mais la situation est quand même relativement grave - elles exhortent la Commission européenne à 2 choses. Premièrement, à mettre en pause le régime de buy-in. Concrètement, ça veut dire que le 1er février prochain, seules les pénalités démarreraient. Ça permettrait d'ailleurs à la Commission européenne de réfléchir sereinement et de bâtir un vrai système de buy-in qui soit viable et bénéfique, réellement bénéfique, pour le règlement-livraison en Europe. Et la deuxième demande, qui va avec la première, c’est que cette mise en pause soit officialisée le plus rapidement possible. C'est nécessaire pour l'industrie, c'est le seul moyen pour l'industrie de se sentir autorisée à lever le crayon, en attendant la nouvelle version. À défaut de ce signal fort, le souhait exprimé par la Commission européenne et salué par tous, resterait un vœu pieux. Alors aujourd'hui on est à la fin de la période estivale des institutions... autant vous dire qu'on est tous maintenant à l'affût du moindre frémissement, du moindre signal, en provenance de la Commission européenne et de l'ESMA et peut-être, au moment où vous m'écoutez, peut-être que ce signal a été donné et j'en serais la première ravie.
1CSDR : Réglementation sur les Dépositaires Centraux de Titres
2CCP : Contrepartie Centrale
3Source : 01-07-2021 : REPORT FROM THE COMMISSION TO THE EUROPEAN PARLIAMENT AND THE COUNCIL under Article 75 of Regulation (EU) No 909/2014 of the European Parliament and of the Council of 23 July 2014 on improving securities settlement in the European Union and on central securities depositories and amending Directives 98/26/EC and 2014/65/EU and Regulation (EU) No 236/2012
4IT : Technologies de l’information
5ESMA : autorité européenne des marchés financiers