La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) en bref

10/06/2024

Dès 2024, une nouvelle directive entre en vigueur : la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD). Signée le 21 juin 2022 et votée au Parlement en novembre 2022, CSRD vient remplacer NFRD (la Non Financial Reporting Directive), pour fixer de nouvelles normes et obligations de reporting extra-financier.

Qu’est-ce que le reporting extra-financier ?

C’est le suivi des informations non monétaires, notamment les risques et les impacts sur l’ensemble de l’écosystème de l’entreprise, la société, les êtres humains et l’environnement.

Pourquoi et pour qui ?

Pour pousser tous les acteurs des marchés financiers à adopter une démarche de développement durable et aider à distinguer les entreprises performantes sur cette thématique de **l’ESG. Plus de 50 000 entreprises en Europe sont concernées pour établir en plus du bilan financier, un reporting extra-financier sur leurs implications **RSE, c’est-à-dire environnementales, sociales et sociétales.

Quelques nouveautés dans CSRD :

Introduction du concept de la double matérialité - Une entreprise concernée par la NFRD n’était pas tenue de divulguer les risques climatiques auxquelles elle était soumise. Avec la CSRD, elle est maintenant contrainte de publier les informations suivantes :

  • Incidences des activités de l’entreprise sur le climat et la population ;

  • Manière dont les notions de durabilité (sociale, sociétale et environnementale) influent sur l’entreprise.

C’est le principe de la double matérialité, principal concept introduit par la CSRD, qui consiste à identifier à la fois les impacts de l’entreprise sur la société, mais aussi ceux des critères ESG sur l’entreprise elle-même. Ce nouveau dispositif s’étend désormais à de nombreuses entreprises de plus de 250 salariés et à toutes les sociétés cotées, dont les PME et les grandes entreprises dépassant au moins 2 des critères suivants :

  • > 250 salariés ;

  • 20 millions d’euros de bilan ;

  • 40 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Concrètement, que faire ?
  • Le bilan des entreprises fusionne risques financiers et extra-financiers ;

  • Il faut rendre compte à la fois de la stratégie et du modèle d’affaires, des moyens mis en place pour contribuer à la transition écologique et suivre la performance de ces actions avec des indicateurs prédéfinis ;

  • Il faut publier selon des normes précises, y compris un format digital, pour une meilleure utilisation et un partage de ces informations extra-financières ;

  • Les rapports sont audités et certifiés afin de vérifier la sincérité des informations et l’inclusion d’objectifs de durabilité.

Qu’est-ce qu’un bilan carbone ?

C’est un outil de mesure d’une empreinte carbone à un moment donné. Le terme bilan carbone est né en France dans les années 2000 et mesure l'empreinte carbone d’une entreprise, qui est la somme des différentes émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à son activité. L’empreinte carbone est un chiffre, qui correspond à la somme des émissions de gaz à effet de serre induites par un produit, une personne, un pays ou une entreprise. Parmi les six gaz à effet de serre officiellement reconnus par les accords internationaux et donc pris en compte, on trouve bien entendu le Dioxyde de carbone ou CO2, le plus connu, qui concerne toutes les entreprises.

L’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) a proposé un certain nombre de critères ESG, parmi lesquels les indicateurs dits "carbone".

Quand établir le reporting extra-financier de son entreprise ?

Il se base sur l’exercice des activités de l’année passée. Par exemple, un reporting extra-financier en 2025, doit se référer à l’exercice 2024.

Le gouvernement français a mis en place la plateforme Impact visant à proposer aux entreprises, l’évaluation de leurs performances sur 45 indicateurs écologiques, sociaux ou de gouvernance.

D’autre part, une entreprise peut analyser l’impact sur l’environnement et préparer sa stratégie RSE en suivant ces différentes étapes :

  • Réaliser son bilan carbone ;

  • Discuter avec les parties prenantes (collecte d’informations auprès de fournisseurs, recherche de sous-traitants ayant une démarche bas-carbone) ;

  • Trouver des compétences en externe pour effectuer le bilan carbone, le suivi des critères ESG et la stratégie RSE.

Y-a-il des sanctions prévues en cas de non-respect de la CSRD ?

Les sanctions en cas d’infraction seront définies par chaque État membre. Le texte précise que les mesures prévues doivent être “effectives, proportionnées et dissuasives”.

Enfin, même si le calendrier de la CSRD peut encore évoluer selon la rapidité des débats, le calendrier des étapes apparait comme suit :

Avril 2021 – Commission et Parlement adoptent la proposition de la CSRD ;

Novembre 2022 – La directive CSRD est validée par le Conseil de l’UE ;

Juin 2023 – La Commission adopte un premier ensemble de normes extra-financières proposées par l’EFRAG ;

Janvier 2024 – La CSRD remplace officiellement la NFRD.

Comment appréhender CSRD en tant que gérants d’actifs ou sociétés de gestion ?

Nos clients SGSS acteurs dans l’industrie des fonds d’investissement (gérants d’actifs/sociétés de gestion) sont déjà concernés par deux règlements majeurs sur le reporting extra financier que sontSustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) et EU Taxonomy.

Comme l’a souligné EFAMA, l’association européenne des gérants d’actifs basée à Bruxelles, il faut éviter de dupliquer ce qui est déjà demandé en termes de reporting financier et non financier de durabilité dans le cadre de SFDR. Et les fonds d’investissement doivent clairement être exclus de CSRD.

En attendant et alors qu’une standardisation qui ne soit pas une simple convention de présentation de l’information est souhaitable, la mise au point d’une définition précise et détaillée de ce que nous considérons être une entreprise durable est nécessaire.

CSRD augmente de façon significative le nombre de données et d’informations à la fois quantitative et qualitative que les entreprises doivent produire.

Est-ce que CSRD remplace SFDR ? CSRD vient plutôt compléter ces deux autres règlements qui vont dans la même direction : Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) et EU Taxonomy.

Alors que la Taxonomie européenne fournit un cadre juridique de classification des activités durables, CSRD réglemente le reporting sur la durabilité et SFDR définit les exigences en matière d’informations pour vendre des produits financiers.

On peut dire que CSRD et SFDR sont interconnectés depuis que CSRD étend les obligations de reporting des entreprises aux asset managers, tandis que SFDR étend les obligations de reporting des asset managers aux investisseurs de leurs fonds.

La première vague d'applicabilité de CSRD impactera le rapport annuel extra-financier de 2025, couvrant l'exercice financier 2024. Compte tenu du périmètre très large de CSRD et du nombre d’indicateurs inédits nécessitant une collecte de données rigoureuse, il est prudent de démarrer une analyse d’écarts entre informations, initiatives et publications existantes d’une part, et nouvelles exigences demandées par CSRD d’autre part, en prévision d’un audit de ce rapport.

Concrètement et pour résumer, les entreprises doivent publier des informations relatives à l’environnement, la gestion de leurs employés et leur approche vis-à-vis des problématiques sociales, des droits de l’homme, de la corruption et de la diversité dans les organes de gestion. La difficulté dans ce reporting demeure l’inclusion de cette notion de double matérialité.

Tous ces informations liées à la durabilité devront pour la 1ère fois passer un processus d’audit systématique avant de pouvoir être publiées.

Une avancée sans doute majeure pour les gérants : l’accès à des infos brutes et auditées et donc de première main, car plus précises que ce qui est disponible actuellement. En revanche, quid de l’accessibilité à ces données ? Les gérants devront pouvoir se connecter sur les sites des entreprises pour accéder à ces informations extra-financières. Restera à voir de quelle manière le régulateur envisage d’adresser cette question. Quoi qu’il en soit, cela justifierait un point d’entrée unique ou « central repository », qui consoliderait ces données.

Jean-Pierre Gomez, Responsable des Affaires Publiques et Réglementaires chez Société Générale Securities Services au Luxembourg

*ESG : critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance.
**RSE : Responsabilité Sociale des Entreprises.